THE               MUSEUM   

             

 Le monolampe communal

Radio-Techna, ma collection
P.Horguelin (Fr)
P.Horguelin (GB)
Nomenclature des Radio-Techna
Les composants Radio-Techna
La production des Radio-Techna
La distribution des Radio-Techna
Le monolampe communal
Paul Horguelin fait son cinéma
Un "Grand Bonhomme"
Annexes
Remerciements

 

Nota : Cet article a été retouché en octobre 2010, suite à la fourniture par Mr Alain Serventi de quelques nouveaux documents trouvés dans les archives du Conseil Général du Lot et Garonne (en particulier les offres de la plupart des constructeurs qui se sont présentés au concours d'Agen et un article de presse très polémique à propos de ce concours). Mr Serventi est l'auteur d'un remarquable article historique à propos de Radio-Agen ("Radio-Agen, 1924-1946", Revue de l'Agenais N°4, 2003, Académie des sciences, lettres et arts d'Agen)

                                                                                          

 

 

Le monolampe type communal occupe une place à part dans la production Radio-Techna. Il n'a certainement pas été le plus produit, loin s'en faut. Il reste pourtant dans l'esprit de Marguerite Horguelin celui par lequel tout a débuté. Il est celui aussi qui est le mieux documenté dans les archives. Il faut dire que sa création et sa distribution s'inscrivent  dans un contexte particulier qui rejoint la "grande" histoire de la radiodiffusion, celui de la naissance de "Radio-Agen", première station privée régionale française.

 

1/ Prologue : La naissance de Radio-Agen (1)

Le 4 octobre 1922, le conseil général du Lot-et-Garonne prend la décision d'étudier l'éventualité de la création d'un poste de radiodiffusion à Agen. Dans le contexte français d'alors, un tel choix apparaît comme incroyablement précoce. En octobre 1922 en effet, seul le poste d'État FL est légalement autorisé à émettre. Il n'y a pas véritablement de programmes et si quelques radio-concerts sont parfois diffusés, ils ne le sont que de manière aléatoire et à titre d'essais. Le poste Radiola, première station privée nationale, commencera ses émissions seulement en novembre, au titre d'une autorisation temporaire et révocable.

Les premiers échanges de vues parlent seulement d'une adaptation régionale d'une directive du ministère de l'agriculture du 29 juin 1922 "recommandant aux préfets d'inciter les communes à installer des récepteurs à galène pour recevoir les bulletins météorologiques de la Tour Eiffel et prévenir ainsi les agriculteurs des risques d'orages et de grêle". Poussés à fond dans cette voie par Fernand de Sevin, secrétaire général du Radio-Club agenais, les conseillers généraux considèrent pourtant bientôt qu'ils n'est pas possible de se satisfaire des informations météorologiques générales de la Tour Eiffel, que le caractère particulier du département du Lot et Garonne, sujet aux crues brutales du fleuve, impose une information météorologique particulière que seul un émetteur départemental est à même de fournir. Simple prétexte ou réelles préoccupations météorologiques, la nécessité impérieuse de se doter d'un émetteur s'impose rapidement à tous (2).

Fin mai 1923, une délégation du Lot-et-Garonne se présente dans les bureaux du ministre des PTT pour y présenter le projet et solliciter une autorisation d'émettre. La demande est accueillie avec une certaine bienveillance mais la décision est remise à plus tard, faute de réglementation applicable. Le décret portant règlement des stations émettrices de TSF d'intérêt général est finalement approuvé par les ministres intéressés et contresigné par le Président de la République Alexandre Millerand le 24 novembre 1923. Pourtant, Fernand de Sevin n'a pas attendu le décret pour commencer à agir. Une commission radiotélégraphique départementale est constituée qui comprend le conseiller général Laffue, MM Pinêtre, ingénieur électricien, Chevrier, professeur à l'école d'industrie, Recours, conservateur du musée, le docteur Dupont de Marmande, Piraube de Razimet, Beutalou et Laboulbène (3), conseillers généraux, l'ingénieur en chef du département, le directeur des postes et bien entendu De Sevin. Sur des crédits votés par le conseil général avec l'approbation du ministre des PTT, un émetteur est commandé chez SFR. Le 11 novembre 1923,  Fernand de Sevin annonce dans les colonnes de Radio-Magazine la création du poste Radio-Agen.

Une petite construction abritant le studio et l'émetteur est édifiée au printemps 1924 en bordure de l'esplanade du Gravier le long de la Garonne (4) Les techniciens de la SFR installent l'émetteur durant l'été et l'inauguration officielle a lieu le 15 septembre 1924. Bien entendu, la station sera dirigée par Fernand de Sevin. Il s'agira d'un poste de droit privé, en partie financé par le conseil général mais aussi très rapidement par des fonds propres liées à la publicité. 

 

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2/ Le concours d'Agen

Comme on vient de le voir, la création du poste Radio-Agen s'inscrit au départ dans le cadre d'une interprétation locale d'une directive du ministère des PTT, préconisant d'inciter les communes à se doter de récepteurs de TSF. Il n'est donc pas étonnant que le Conseil Général du Lot et Garonne, une fois le poste "d'intérêt général" crée, se soit préoccupé de convaincre les communes d'inscrire à leur budget l'achat d'un récepteur. Un appel d'offres est lancé auprès des constructeurs qui stipule pour ces derniers une seule obligation, celle de se tenir à un prix de vente maximum de 500 F par appareil, incluant les accessoires.   Le 19 septembre 1924, les membres de la commission radiotélégraphique prennent la décision de composer une sous-commission technique dont le rôle sera de désigner, parmi les appareils présentés par les constructeurs, celui le mieux à même de satisfaire aux besoins des municipalités.

La sous commission sera composée du Conseiller Général Laffue (Président), de Mr Masson (Ingénieur en chef du Département), du Dr Fagonet (?), de Mrs Vergne et Delpech (?) et du docteur Marc Dupont de Marmande (dont on reparlera beaucoup par la suite). Elle se réuni  le 3 novembre 1924 à Casteljaloux pour procéder à l'examen et aux essais des récepteurs reçus des divers constructeurs qui ont répondu à l'appel d'offre (6). 

Au total, les constructeurs en lice sont au nombre de 12, dont certains très connus et réputés. Ils se voient chacun attribuer 2 notes par appareil présenté.

- La première note fait suite aux essais pour lesquels les constructeurs sont priés d'accrocher Radio-Agen, Radiola et la Tour Eiffel afin de vérifier la gamme d'onde couverte par les appareils, la puissance (mesurée au téléphone shunté) et la pureté de la réception (A)

- La seconde note prend en compte la qualité de la construction, des matériaux employés, de l'agencement intérieur et extérieur des appareils (B).

La plupart des constructeurs étant connus et leurs offres chiffrées ayant été retrouvées, il est possible de se faire une idée assez précise des appareils mis à la disposition de la sous commission. Si l'on s'en tient au seuls critères "officiels" mis en avant par le jury, la pertinence des notes attribuées ne peut manquer de faire débat.

Examinons par le détail l'offre des constructeurs :

 
- Bourret : Il s'agit du constructeur des appareils "Le Matériel Simplex" qui propose un récepteur monolampe à 250 Frs, Notes : A=10, B=2 . Autrement dit un poste qui ne marche pas trop mal mais est vraiment très mal fabriqué, au niveau du bricolage. Simplex était à cette époque l'un des rares émules de Horace Hurm et s'était fait une spécialité de la fabrication de postes minuscules. Les appareils Simplex sont loin d'égaler les récepteurs Hurm en terme de qualité de fabrication mais la note semble néanmoins sévère. On peut y voir le jugement de valeur d'un jury "bourgeois" pour qui un appareil minuscule est nécessairement de pacotille (Horace Hurm lui même était confronté à ce problème).

 

Un récepteur Simplex monolampe, vers 1924/25. Cet appareil est probablement identique ou proche de celui présenté au concours. (Source : collection A.C)

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L'offre de Bourret (cliquer sur la miniature)

 

 

-Brodin : Il s'agit de Marcel Brodin, constructeur des récepteurs Kéra, puis Kéra-Brodin. Les appareils Kera sont proprement réalisés mais composés uniquement de pièces de commerce.  Marcel Brodin propose un poste monolampe contenu dans un coffret fermant à clef. Le prix est de 450 frs, Notes : A=6, B=12. Autrement dit un appareil agréable d'aspect mais qui fonctionne très mal.

 

 

Un appareil Kéra de 1925 (source : Guy Biraud, Guide du collectionneur TSF)

 

 

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L'offre de Brodin (cliquer sur la miniature)

 

 
-Comptoir Général de TSF : A ne pas confondre avec CGTSF (devenu plus tard CSF), il s'agit ici d'un revendeur/monteur établi rue Cambronne à Paris. Il propose un appareil que l'on suppose monolampe au prix de 450 F. On sent une once d'opportunisme dans cette offre puisque l'appareil est pompeusement appelé "type mairie". Notes : A=2, B= pas de note. Celui là semble être une vraie cochonnerie.  

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L'offre du Comptoir Général (cliquer sur la miniature)

 

 
-Courbet : constructeur inconnu, propose un récepteur à 325 Frs, Notes : A=8, B=4. Encore une fois un poste au fonctionnement juste acceptable mais à la présentation désastreuse. L'offre de Courbet n'a pas été retrouvée.

 

 
-Ducretet : Aujourd'hui vénérés par les collectionneurs, les récepteurs Ducretet de cette époque présentent un excellente qualité de fabrication mais des performances assez moyennes compte tenu des moyens mis en oeuvre. Ducretet propose un poste à 418 Frs, Il comprend 1 boite résonateur et une boite monolampe HF . Au début de 1925, Ducretet a  produit de petits récepteurs monolampes (types A, B ou C/JDM) à l'aspect relativement banal si on les compare aux prestigieux postes "piano". Il est vraisemblable que la proposition porte sur un appareil dans ce genre mais le type n'est pas ici mentionné.  Notes : A=5, B=9.  Il est possible que le jury n'ai pas su faire fonctionner l'appareil (qui est équipé de bobinages autotransformateur amovibles)  mais la note de présentation de 9 est quand même très rude.  

 

 

  Ducretet monolampe A/JDM (source : www.doctsf.com )

 

 

 

 

Un autre Ducretet monolampe, le changeur de fréquence bigrille CF1 et son ampli 3 lampes additionnel (modèle 1925). (source : collection Verdier).

 

 

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L'offre de Ducretet (cliquer sur la miniature)

 

 

-Electro-Matériel : Il s'agit des radios fabriquées sous la marque Phal. A l'exception de quelques radios de grand luxe, les postes Phal de cette époque se présentent pour la plupart en éléments séparés (boite d'accord+ampli). Ces appareils se distinguent par la présence de selfs d'un modèle inédit particulièrement esthétique, ce qui ne préjuge pas du fonctionnement. Phal propose un récepteur monolampe à 400 frs (prix valable pour une commande de 100).  Notes : A=12, B=10. La note de présentation est pour le moins sévère si l'on se réfère aux appareils de cette marque connus.

 

 

Une boite d'accord Phal vers 1925 (source :  ex collection Verdier)

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L'offre de l'Electro Matériel (cliquer sur la miniature) 

 

 

-Le Matériel Téléphonique : Il s'agit bien entendu de la société LMT qui propose son produit phare, le poste à galène Radiojour. Il s'agit du premier poste à galène français construit en grande série. Le prix demandé est de 237 frs. Notes : A=1, B=5. Des notes assez logiques, on ne peut pas demander à un poste à galène les performances d'un poste à lampes.

 

Le célèbre galène "Radiojour", fabriqué de 1922 jusqu'en 1930. (source : Guy Biraud)

 

 

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L'offre de "Le matériel téléphonique" (cliquer sur la miniature) 

 

 
-Le Téléphone Sans Fil :  Il s'agit  de l'atelier "Le TSF", alors propriété d'un nommé R.Menot, et qui deviendra bientôt la société Grandin et Moreau  (La société Grandin existe toujours, au sein du groupe Philips il me semble). "Le TSF" offrait à cette époque à la vente un poste à galène amplifié nommé "Radio Crystal amplifié" et un poste à 3 lampes nommé "Cosmophone". Excellente présentation extérieure mais implantation intérieure très moyenne (cela s'arrangera par la suite).  Le poste mis au concours est un appareil monolampe d'un type inconnu qui est proposé à 465 frs pour une commande de 100 (ce qui correspond environ au prix public du Radio Crystal Amplifié sans ses accessoires) . Notes : A=5, B=4. En somme l'appareil fonctionne mal et il a du être ouvert par le jury pour se voir attribuer une note de présentation aussi mauvaise.

 

 

Le TSF, Modèle "Radio-Crystal amplifié". (source : collection Verdier)

 

 

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L'offre de "Le TSF" (cliquer sur la miniature)

 

-Péricaut : En fait il faut lire Péricaud, la faute d'orthographe est d'époque. Ce constructeur réputé proposait en 1924 une gamme pléthorique composée en partie d'appareils fabriqués dans ses ateliers et d'appareils manufacturés par la Compagnie des Compteurs (CdC) à la présentation très différente. Il présentait au concours 2 radios monolampe sous les appellations "Unic" (500 Frs) et "Select" (600 Frs). Je n'ai pas retrouvé ces récepteurs dans mes documentations mais tous les appareils Péricaud n'étaient pas catalogués, en particulier la plupart des modèles CdC. Il s'agit ici probablement de fabrications de la CdC qui a réalisé, en plus d'un modèle très connu nommé "Radio-Secteur", de nombreux petits modèles à 1/2 ou 3 lampes très rarement croisés sur le marché de la collection. Il peut aussi s'agir de postes de la gamme "Météo" fabriqués par les ateliers Péricaud et qui présentent la particularité d'avoir l'ensemble des composants apparents (existent de 1 à 6 lampes). Il peut enfin s'agir de radios de la gamme "Beta" (de 1 à 4 lampes), les premiers Péricaud à lampes intérieures, fabriqués eux aussi par les ateliers Péricaud avec les mêmes composants qu'utilisés sur la gamme "Météo". Notes : Unic : A=7, B=12 ; Select A=9, B=12. En somme ces appareils sont tout juste moyens mais la présentation est jugée néanmoins meilleure que les Ducretet, ce qui là encore est pour le moins étonnant. 

 

Récepteur 3 lampes "Reflex" Péricaud, fabriqué par la CdC en 1924/25. Cet appareil est caractérisé par ses selfs fond de panier vertes que l'on retrouve sur tous les postes CdC/Pericaud contemporains. Un appareil de présentation comparable a existé en monolampe (source : collection Verdier)

 

 

 

Récepteur 4 lampes Péricaud, gamme "Beta", fabriqué par les ateliers Péricaud en 1924. Il existait un monolampe dans cette gamme, vu dans des catalogues mais jamais croisé en vrai dans les collections (source : collection Verdier)

 

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L'offre de Pericaud (cliquer sur la miniature)

 

-Radiola : Il s'agit de la marque commerciale utilisée par la Société Française Radio-Electrique (SFR) pour ses appareils de réception grand public. La SFR propose 3 appareils au concours : Radiolina (vendu 300 Frs), BA2 (vendu 400 Frs), BL2 (pas de prix). Les appareils SFR étaient de fabrication rigoureuse mais d'une présentation très (trop) sobre privilégiant la qualité technique sur les critères esthétiques (les ébénisteries étaient en bois blanc recouvert de pégamoid noir). Les 3 modèles présentés sont clairement identifiés. Le Radiolina est un modèle déjà ancien (1923), les BA2 et BL2 sont des modèles de l'année. Notes : Radiolina : A=11,5, B=6 ; BA2 : A=10, B=6 ; BL2 : A=10, B=6. Là encore, on peut s'étonner de la sévérité du jury même si la note B est en partie justifiée (n'ayant jamais essayé ces appareils, je ne me prononce pas sur la note A).  Le conseil Général était déjà en contact étroit avec la SFR,  qui venait juste d'installer l'émetteur de Radio-Agen, lequel donnait semble t'il toute satisfaction (7). Dans ces conditions, il est curieux que ces postes n'aient pas plus retenu l'attention. Il faut remarquer cependant que De Sevin, interlocuteur privilégié de la SFR dans le cadre du marché pour la fourniture de l'émetteur, ne fait pas partie de la sous-commission technique (8). L'offre de la SFR n'a pas été retrouvée.

 

 

Récepteur Radiola SFR BA2 (1924). Il s'agit d'un modèle à selfs amovibles. (source : www.doc-tsf.com ).

 

 

 

Récepteur Radiola SFR BL3 (1924). Proche du modèle BL2  (2 lampes) présenté au concours. Il est constitué d'éléments amplificateurs et détecteur autonomes (à la manière des postes modulaires) réunis dans une boite. Le BL2 comporte 1 élément amplificateur et 1 élément détecteur. Ces éléments sont identiques à ceux utilisés sur le spectaculaire poste "Le Radiola" de 1922. (source : www.doc-tsf.com ).

 

 
- La Radiotéléphonie française : Il s'agit d'un récepteur du constructeur Georges Oyer. L'offre portait sur un appareil à 2 lampes au prix de 500 F pour une commande minimum de 300 pièces. Cet appareil n'a pas pu être essayé et noté car, selon le jury, "des indications manquaient pour le faire fonctionner, en particulier à propos des multiples selfs amovibles et la sous-commission aurait risqué de le détruire sans résultat" (?). Le jury estime néanmoins que sa présentation lui aurait valu une note de 12 s'il avait pu concourir. Les récepteurs "Radiotéléphonie Française" de cet époque se présentent dans des boites en verre (ressemblant un peu à de petits aquariums) qui laissent voir l'ensemble des composants. La fabrication interne est d'excellente qualité, ce qui est la moindre des choses puisque tout est visible. Ces postes sont très beaux à voir dans un salon mais se prêtent mal à un usage en collectivité compte tenu de leur fragilité. 

 

 

Récepteur 3 lampes Georges Oyer "La Radiotéléphonie Française", vers1924/25. (Source : John Jenkins sparks museum)

 

 

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L'offre de Georges Oyer (cliquer sur la miniature)

 
-Radio-Techna : Paul Horguelin présente 3 appareils au concours. Malheureusement l'offre écrite n'a pas été retrouvée.  Il s'agit du monolampe communal vendu 500 Frs complet de ses accessoires et de 2 amplificateurs additionnels à 1 et 2 lampes vendus respectivement 175 et 380 frs. Les récepteurs Horguelin de cette époque ont une présentation irréprochable : câblage parfait, implantation à la fois harmonieuse et pertinente des composants, pièces mécaniques en laiton très largement dimensionnées, gravures d'une excellente exécution, aspect à la fois compact et original. Par ailleurs, pour avoir personnellement fait fonctionner l'appareil présent dans ma collection, je peux dire de façon certaine que ses performances sont très au dessus de la moyenne de l'époque. Avec l'appareil simple, sans ses amplis additionnels et avec l'installation électrique de la maison pour antenne, on reçoit "casque sur table" à Paris les 3 émetteurs  G.O encore en activité de manière parfaitement distincte. En P.O, on reçoit "casque sur table" RFI et Radio Bleu et "casque aux oreilles" de nombreuses stations européennes. Le récepteur est merveilleusement sélectif, seules certaines stations très faibles se mélangent un peu. A l'écoute des émetteurs de 1924, les résultats obtenus par les essayeurs de la sous-commission radio-téléphonique étaient très certainement bien inférieurs. Ils étaient pourtant semble t'il suffisamment convaincants pour garantir à Paul Horguelin une victoire "haut la main". Les 3 appareils obtiennent 17 à la note de fonctionnement et 18 à la note de présentation, bien loin devant les constructeurs parisiens réputés auxquels ils étaient ici confrontés. Le 3 novembre 1924 à Casteljaloux, David a Vaincu Goliath.

 

Le monolampe type communal dans sa version du "concours d'Agen". Selon la notice éditée début 1925 (voir annexes), cet appareil était prévu pour la réception des ondes de 250 à 3000 mètres. Il permettait même "avec la réaction inverse vers 0, dans de bonnes conditions, la réception des postes d'amateurs, à partir de 80/90 mètres de longueur d'onde". Le poste Radio-Agen émettait sur des longueurs d'onde variant entre 320 et 335 mètres lors des essais réalisés en septembre 24. La longueur d'onde sera fixée à 318 mètres quelques temps plus tard. 

Le monolampe type communal dans sa version du "concours d'Agen" et son amplificateur additionnel à 2 lampes. Cet appareil à 2 étages BF est destiné à une écoute en "Fort Haut-Parleur". Un commutateur à 3 positions permet d'arrêter l'amplificateur ou de choisir un fonctionnement à une ou deux lampes. Il comprend un transformateur à fer de rapport 1/5 pour le premier étage et 1/3 pour le 2ème étage.

Le monolampe type communal dans sa version du "concours d'Agen" et son amplificateur additionnel à 1 lampe. Cet appareil à 1 étage BF est destiné à une écoute confortable au casque ou en "petit Haut-Parleur" des stations les plus fortes. Il existe une version avec transformateur de rapport 1/5 à utiliser comme premier étage (celui de la photo) et une version avec transformateur de rapport 1/3, susceptible d'être couplé au 1er étage grâce aux bornes prévues à cet effet et faisant ainsi de ce récepteur un modèle à 3 lampes électriquement semblable à l'appareil ci-dessus. Il s'agit donc d'un poste modulaire, à la manière des Radio LL. Paul Horguelin n'a toutefois pas prévu la possibilité de rajouter des éléments HF et il déconseille d'utiliser plus de 2 étages BF (voir notice page annexe)

 

 

Le monolampe type communal, version de ma collection avec rhéostat type 1 et self à 10 prises.

 

 

L'amplificateur additionnel 2 étages BF (rapport 1/5 et 1/3), version de ma collection avec rhéostat type 1.

 
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Pour l'anecdote, on trouve aussi dans les archives une réponse de la SIF (Société Indépendante de TSF), qui a renoncé a participer au concours, ne s'estimant pas en mesure de fournir une installation complète pour le prix maximum de 500 F. (cliquer sur la miniature)

 

3/Paul Horguelin et le concours d'Agen

A ce niveau de la présentation, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, les postes Radio-Techna ne sont rien moins que les meilleurs. Les notes parfois lamentables et souvent juste passables recueillies par les autres constructeurs, pour certains très réputés, ne peuvent pourtant manquer de faire question. Comment Paul Horguelin, un petit constructeur de 25 ans avec tout juste 2 années d'expérience à son actif, établi qui plus est à l'autre bout de la France, a t'il pu avoir l'idée de se présenter à ce concours. Comment, surtout, est il parvenu à s'investir dans cette tache au point de triompher de tous ses concurrents avec une telle maestria. A ces questions, les archives, autant que la mémoire familiale, offrent quelques éléments de réponse.

En janvier 1923, l'incendie de la grange atelier bouleverse la vie de Paul Horguelin qui doit maintenant repartir de zéro . Sa mère, Flavie Horguelin, est établie à Agen depuis déjà un an. Elle loge chez une tante, veuve du capitaine Couty (lequel était le frère de la mère de Flavie). Paul Horguelin se rend très fréquemment à Agen ou il est certain de trouver bon accueil de la part de sa grand tante. Il a même installé sur place tout le nécessaire pour recevoir la TSF. Il se lie d'amitié avec André Mourlane, quincaillier à Montflanquin, comme lui chasseur et pêcheur. Des relations amicales s'installent progressivement avec diverses personnes de la région, en particulier à Marmande et alentours. On retient le nom d'un monsieur Barbé et surtout du Docteur Marc Dupont. 

Paul Horguelin reprend le dessus très rapidement. Nouvel atelier, nouvelles machines et probablement quelques nouveaux salariés, la production des Radio-techna peut recommencer à la fin de l'année 1923. En entrepreneur avisé, il profite de ses visites à sa grand tante pour nouer des contacts professionnels. C'est ainsi qu'il fait la connaissance, probablement au début de l'année 1924, de E. Delidon, électricien à Marmande, qu'il parvient à convaincre, apparemment non sans difficultés, de passer commande de quelques appareils en kit. Marc Dupont, ainsi que d'autres amis de Marmande ont semble t'il joué un rôle important dans cette transaction : "Vous m'avez rendu grand service, car avec votre aide et celle de mes amis de Marmande, Mr Delidon est cette fois décidé à me passer les commandes pour une vingtaine de postes" (lettre Juillet 1924). On se reportera au N° 35 de la nomenclature pour plus d'informations sur les postes fabriqués pour E.Delidon.

A cette époque Marc Dupont n'est peut-être pas encore l'ami proche de Paul Horguelin qu'il deviendra par la suite (9).  Pourtant, il est déjà un admirateur inconditionnel des appareils Châlonnais et surtout de leur concepteur. Il répond à Paul Horguelin : "Inutile de vous dire que c'est avec le plus vif désir que je délivre des certificats d'excellence à tous ceux qui, après avoir vu Delidon (ndlr, il faut lire les premiers postes Horguelin  exposés chez Delidon), me parlent de vos appareils. Je le fais non pour lui mais pour vous"

 Marc Dupont n'a alors que 31 ans. Pourtant il est déjà une personnalité influente du Lot et Garonne. Médecin, il fondera bientôt une clinique portant son nom. Scientifique, il s'intéresse de près au techniques nouvelles. Notable, il met un pied en politique en siégeant dans la commission radiotélégraphique (10). Lors de l'achat de l'émetteur de Radio-Agen il est, au cotés de Fernand de Sevin, chargé de mener les négociations avec la SFR. Paul Horguelin suit bien entendu de très près ces évènements.

A la fin de l'été 1924, l'émetteur de Radio-Agen est prêt à fonctionner et se pose la question de l'équipement radio des communes. Le 5 septembre le docteur Dupont présente aux membres de la commission de Radiotéléphonie le monolampe type communal. Il déclare : "avoir essayé personnellement le récepteur de l'ingénieur Horguelin et qu'il lui a donné toute satisfaction". Paul Horguelin n'est pas présent à cette séance mais l'appareil est montré aux participants (archives du Lot et Garonne communiqués par Odette Escot, voir reproduction en annexe). Lors de la séance suivante du 19 septembre, au cours de laquelle est formée la sous-commission technique, Paul Horguelin s'est déplacé et assiste aux débats.

Les concurrents de Paul Horguelin lors du concours d'Agen ont pour certains une toute autre stature, autant en terme de prestige que de surface financière. Ducretet est un nom attaché à l'invention même de la TSF. SFR est une grande compagnie industrielle fondée en 1910, Pericaud fabriquait déjà des récepteurs horaires quand Paul Horguelin portait des culottes courtes. LMT est une grande compagnie industrielle spécialisée dans la téléphonie. D'autres compétiteurs tels Georges Oyer, Phal, Le TSF n'ont certes pas la même antériorité, mais ils sont très connus à Paris et leurs publicités remplissent les pages des magazines spécialisés. 

On ne sait pas exactement en quels termes le Conseil Général du Lot et Garonne a sollicité ces constructeurs. La décision de la sous-commission n'ayant à terme aucun caractère contraignant pour personne, il ne s'agit pas d'un "appel d'offres" au sens ou le droit administratif  français entend habituellement cette expression . Pourtant, les autorités départementales agissent ici comme si il s'agissait d'un marché public au sens strict. De la formule du marché public ils retiennent d'une part les règles (la mise au concours) et d'autre part les "petits arrangements" qui font que, contrairement à ce que prétendent imposer les règles,  les vainqueurs ne sont pas toujours nécessairement les mieux disant. 

On l'a vu, Paul Horguelin est très implanté dans la place. Plusieurs mois avant le déroulement du concours, le monolampe communal est d'ores et déjà connu de tous grâce au travail de lobbying de Marc Dupont. Face aux Radio-Techna, reconnus et admirés par les participants, les appareils présentés par les constructeurs parisiens (qui, pour certains, ne se sont sans doute investit que très modérément dans ces débats "provinciaux"), ne sont là, très probablement, que pour le forme. La cause était sans doute déjà en grande partie entendue avant même que les membres de la sous-commission ne se réunissent à Casteljaloux.

Si tout n'est pas finalement pour le mieux dans le meilleurs des mondes possibles, il va de soit que le monolampe communal reste à mes yeux un magnifique appareil, celui par lequel a commencé ma collection Radio-Techna et sans lequel elle n'aurait jamais commencée. Les petits arrangements de 1924 m'ont finalement "bien arrangé" quelques décennies plus tard. 

 

4/Epilogue : Radio-Techna à Agen 

La victoire de Paul Horguelin au "concours d'Agen" n'a pas d'effet obligatoire sur les communes. La décision d'inscrire à leur budget l'achat d'un récepteur, de même que le choix de ce récepteur, leur revient de plein droit. Au cours du mois de novembre, Paul Horguelin et le préfet du Lot et Garonne travaillent pourtant de concert à imposer le monolampe communal comme le meilleur choix possible.

Dans une longue circulaire du 20 novembre aux Maires du Département (voir reproduction de la circulaire en annexe), le préfet souligne tout l'intérêt pour les communes de se doter d'un récepteur afin de recevoir les programmes variés du poste Radio-Agen (Il n'est plus seulement question de météo mais aussi de cours des matières premières, de cours des changes, de nouvelles du jour, de conférences et causeries et aussi de concerts...dont on ne sait pas encore trop bien comment ils vont être financés). Il ne manque pas de rappeler que : "L'appareil Radio-techna présenté par M l'ingénieur Horguelin de Nuisement (Marne) a été déclaré par la commission, à l'unanimité, le plus qualifié et offrant le plus de garanties pour permettre aux communes de recevoir, d'une façon excellente, les émissions de la station départementale". Suivent les prix de l'appareil simple et de ses amplis additionnels à 1 et 2 lampes. Une telle caution préfectorale est certainement plus efficace auprès des communes que ne le serait le plus agressif des démarchages. Le monolampe communal est "Le" récepteur recommandé par l'ensemble des instances officielles du département (Soulignons qu'en temps que représentant de l'État, le préfet n'avait nullement l'obligation de relayer une décision sans portée normative du Conseil Général). 

Dans les jours qui suivent (le document n'est pas daté, voir reproduction en annexe), Paul Horguelin envoie une lettre à l'ensemble des maires du département dans laquelle il présente essentiellement les modalités pratiques de l'installation du monolampe communal. Il souligne que le prix du montage de l'antenne par 2 installateurs spécialistes est fixé à 75 frs (il ressort des entretiens avec Marc Horguelin que ce travail était réalisé par André Mourlane, le quincaillier de Montflanquin, l'ami de chasse de Paul Horguelin), que dans le cas ou la commune souhaiterait se passer des services de l'installateur, une notice explicative très détaillée serait fournie avec les récepteurs (celle-ci est reproduite en annexe). Il annonce enfin l'ouverture prochaine à Agen de "bureaux avec magasin de vente et atelier" (l'adresse n'est pas encore connue).

Le caractère pour le moins cavalier de la collaboration entre les autorités préfectorales et Paul Horguelin ne manque pas d'aiguiser les polémiques. Sous le titre "La Préfecture fait du commerce", le journal "L'indépendant de Lot et Garonne", de tendance radicale, se fait l'écho des récriminations de 2 électriciens locaux qui n'ont pas eu accès au concours. Le préfet est qualifié de "commis voyageur pour le compte d'une compagnie de TSF" et le journaliste se demande "Qui touche les commissions dans cette affaire si bien montée". Décidément très en colère, les 2 électriciens vont jusqu'a envoyer une lettre aux maires du département pour leur rappeler "qu'il leur est réservé la faculté -malgré l'offre si alléchante qui leur est faite- de pouvoir s'adresser aux professionnels de leur choix". Dans le même temps une réclamation est adressée directement au ministre du commerce (11).

Le 18 décembre, Paul Horguelin annonce au Préfet du Lot et Garonne qu'il sera en mesure, dans le courant de la semaine suivante, de commencer l'installation des 25 premiers postes communaux (lettre reproduite en annexe). 6 mois plus tard, 23 communes sont dors et déjà dotées d'un récepteur. 14 ont adhéré au projet, voté les crédits, et sont en attente de livraison. 47 ont adhéré au projet mais n'ont pas encore voté les crédits (Conseil Général, compte rendu de séance, cession ordinaire 1925). La polémique lancée par les 2 électriciens n'a semble t'il pas beaucoup dissuadé les maires.

Le magasin d'Agen est finalement ouvert, très probablement au cours du 1er semestre 1925, au 11 bis rue Garonne, à quelques pas seulement des studios et de l'émetteur (on se reportera à la page "La distribution des Radio-Techna" pour plus d'informations sur ce magasin).

 

(1) Les informations contenues dans cette section  sont essentiellement puisées dans l'excellent ouvrage de René Duval, "Histoire de la radio en France" ed Alain Moreau 1979, p 132 à 149.

(2) Il y avait quand même bien un problème avec le fleuve, l'émetteur de Radio-Agen sera entièrement détruit le 3 mars 1930 lors d'une crue de la Garonne.

(3) Georges Laboulbène, maire d'Agen de 1912 à 1919 et de 1933 à 1934, sénateur du Lot-et-Garonne de 1920 à 1934.

(4) L'esplanade du Gravier est située à 150 m de la rue Garonne, l'adresse du premier magasin Radio-Techna.

(5) Source : "Radio rail", novembre 1929. Photo retrouvée par Mr Alain Serventi, utilisée dans son article et reproduite sur le site : http://100ansderadio.free.fr/HistoiredelaRadio/Radio-Agen/Radio-Agen-1924.html

(6) On trouvera la reproduction du procès verbal de la séance en pages "Annexes". Casteljaloux est situé à bonne distance d'Agen. On suppose que le choix de cette ville était dicté par des enjeux techniques : s'assurer que les récepteurs testés étaient en mesure de recevoir Radio-Agen depuis n'importe quel point du département. Dans ses notices publicitaires, Paul Horguelin se présente comme le lauréat du "Concours de Casteljaloux". Je n'ai pas retenu cette appellation car si Casteljaloux est le lieu physique du concours, ce qui ce joue dans ce concours relève essentiellement de préoccupations agenaises...et puis Agen est moins long à écrire.  

(7) Voir lettre du 20 novembre 24 du Préfet du Lot et Garonne aux maires du département, reproduite en pages "Annexes"

(8) De Sevin a été nommé à la direction de Radio-Agen début juillet 1924 et avait sans doute suffisamment à s'occuper. On sait par ailleurs qu'il possédait déjà un poste Radio-Techna, acheté à titre personnel en juin 1923 pour un "prix d'ami" de 186 F (Journal des ventes Radio-Techna 1923) 

(9) Marc Dupont sera plus tard le parrain de Marc Horguelin, auquel il a donné son prénom.

(10) La clinique Dupont, aujourd'hui disparue, était le principal établissement de soin de Marmande. Marc Dupont a encore une rue à son nom à Marmande mais son rôle dans la vie locale s'est estompé de la mémoire collective. On sait juste qu'il a occupé la fonction de conseiller municipal en 1937, 1949 et 1961. Il a par ailleurs été un éphémère Conseiller Général sans étiquette en 1935, élu sur une liste "d'union et de concentration républicaine" proche des préoccupations du monde agricole. Il est à cette époque identifié comme "croix de feu" notoire (source :  Jean Condou "Cinquante années de vie politique à Marmande", tome 1, 1935-1955. Eds "Chroniques du temps passé", P51)

(11) "La préfecture fait du commerce", in "L'indépendant de Lot et Garonne" (date inconnue, novembre 1924, p1). Document communiqué par Mr Alain Serventi, reproduit en annexe. Outre la question du rôle contestable du préfet, le texte aborde le problème de la sincérité du concours de manière très allusive. A noter dans cet article de multiples erreurs à propos de Radio-Techna. Au début on parle des "Etablissements Electrotechna de Miramont". Plus loin on lit "l'appareil Radiotechna présenté par l'ingénieur Hurgolin de Muisement". Au delà des préoccupations mercantiles des 2 électriciens, il serait intéressant d'aller plus loin dans la compréhension de cette polémique. "L'indépendant de Lot et Garonne" est un journal qui se situe dans la mouvance radicale (composante du cartel des gauches alors au pouvoir à la chambre). Georges Laboulbène, maire d'Agen, sénateur de la gauche républicaine et aussi ancien directeur de "L'indépendant" est, accessoirement, membre de la commission radiophonique qui a organisé le concours. 

 

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